Quelques dates pour retracer le changement!



La conscience des limites et vulnérabilités de l’écosystème terre, est devenu un constat scientifique seulement après les années 1960.

1798 | Publication de "Population" de Thomas Malthus concernant la croissance "inquétante" de la population | (il s'agit de la première vision philosophique connue, qui voit dans la croissance de la population un danger. Source, Braungart, McDonough 2002 pp 70)

1961 | Fondation de WWF (World Wide Fund for Nature)

1962 | Publication de "Der stumme Frühling" de Rachel Carsons | (il s'agit de la première vision scientifique, qui parle des risques de la croissance. Source, Greenpeace)

1966 | Premier engagement de la confédération suisse pour la protection de la Nature.
Création d'un article constitutionnel sur la protection de la nature (17 modifications depuis sa création)

1968
| Publication de The population Bomb de Paul Ehrlich | http://en.wikipedia.org/wiki/The_Population_Bomb

1969 | Mise en route de la première centrale nucléaire en suisse "Beznau I"

1971 | Fondation de l’organisation Greenpeace

1971 | La Suisse est un des derniers pays européens à donner le droit de vote aux femmes

1972 | Publication de "The limits of growth" par le Club de Rome

1972 | Conférence de Stockholm, première rencontre internationale sur l’environnement naturel de l’homme

1973 | Première crise de pétrole. (conflit géopolitique Kippour)

1979 | Deuxième crise de pétrole. (conflit géopolitique Iran)

1983 | Les Nations Unies créent la Commission pour l’environnement et le développement (WCED – World Commission on Environment and Development)

1983 | Premier ordinateur personnel à interface graphique et souris "Lisa" Apple
(Source: Claire Fayolle "Le design" Editions Scala, Paris, 1998)

1987 | Publication du Rapport Brundtland "Our Common Future", qui pose la base conceptuelle au développement durable.

1987 | Protocole de Montréal pour la réduction globale et l’arrêt de l’usage des CFC (chlorofluorocarbones), contre la destruction de la couche d’ozone. Ce protocole a probablement réussi à stabiliser la destruction de la couche d’ozone entre 1996 et 2000. La surveillance constante par satellite, montre que depuis 2000 la destruction est de nouveau en progression et atteint dans le pole sud de nouveaux record. (Source: ERA-40, ECMWF)

1988 | Le concerne Philip Morris achète l’entreprise « Kraft » pour six fois la valeur officielle notée dans la comptabilité. La valeur invisible d’un Logo(Marketing) a reçu le première fois un prix concret en dollars. (Source: Naomi Klein, « No Logo » 2000)

1990 | Internet devient un réseau mondial (world wide web)

1991 | Création de Sanu (Centre suisse de formation pour la protection de la nature et de l'environnement) à Bienne

1992 | Lancement du téléphone portable 2e génération destinée au grand public. Le portable deuxième génération avait besoin que 8ans pour vendre 50 million d’exemplaires alors que le téléphone fixe pour la même performance avait besoin de 74 ans. Internet atteint à son tour 50 mio d’usagers en seulement 2ans. (Source: Bulltin cerist; NTIC-magazine 2001 – sun microsystems)

1992 | Sommet de la terre à Rio de Janeiro, lancement du plan d’actions Agenda21

1999 | Révision de la constitution fédérale de la Confédération Suisse

Préambule, Alinéa 6 | Conscients des acquis communs et de leur devoir d’assumer leurs responsabilités envers les générations futures
Article 2, Alinéa 2 | Elle favorise la prospérité commune, le développement durable, la cohésion interne et la diversité culturelle du pays.
Article 73, Développement durable | La Confédération et les cantons œuvrent à l’établissement d’un équilibre durable entre la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et son utilisation par l’être humain.

2001 | Le Grand Conseil de Genève adopte la loi sur l’action publique en vue d’un développement durable (Agenda21) et le Conseil d’Etat de Genève valide le Calendrier de législature qui fixe les modalités des mesures à entreprendre.

2001 | Premier rapport intergouvernemental sur le climat à Hambourg. Une prévision d’augmentation moyenne de la température comprise entre 1,4 et 5,8°C jusqu’en 2100 (Source:Rapport IPCC)

2002 | Sommet mondial du développement durable à Johannesburg, bilan 10 ans après la conférence de Rio

2005 | Entrée en vigueur du protocole de Kyoto sur la réduction des émissions des gaz à effet de serre

2007 | Deuxième rapport intergouvernemental sur le climat à Paris. Une prévision d’augmentation moyenne de la température comprise entre 2 et 6,1°C jusqu’au 2100 (Source:Troisième Rapport IPCC)


 

Quelques leçons tirées de l'histoire



La gestion des ressources et des territoires pratiquée par les différentes peuplades connues à nos jours, jouait un rôle central dans leur développement. Leur vulnérabilité face à l’environnement naturel imprévisible, était une de leur préoccupations centrale. Les visions étaient profondément ancrées dans la mythologie et dans les observations transmises d’une génération à l’autre. On faisait par exemple des offrandes à des dieux animaux, ou on priait pour des bonnes récoltes.

La communauté ou civilisation la mieux adaptée à son environnement naturel avait les meilleures chances de durer dans le temps. Des communautés ou civilisations moins bien adaptées, avaient besoin de conquérir des nouveaux territoires, pour s’assurer les ressources nécessaires à leur survie. Par exemple l’antique ville de Rome, qui comptait dans son meilleur temps un million d’habitants, était construite sur la base d’un système technique néolithique5. Ce fait permet aujourd’hui de déduire, que cette ville mythique, mais démesurée pour son système technique, dépendait de l’empire entier pour couvrir ses besoins. Il y fallait le blé, l’huile, le bétail et le vin provenant de Sicile, d’Égypte, du Maghreb et de la Gaule. L’empire n’était qu’une immense machine à nourrir la ville de Rome. Ces relèvent historiques nous montrent, que l’insouciance face à un développement déséquilibré peut entraîner la brusque fin d’une civilisation.

Notre société contemporaine peut se comparer à l’empire Romain. En effet, la croissance et le développement de notre économie occidentale a besoin l’exploitation des colonies et de guerres violentes1. Nous avons du accélérer l’entropie2 et le gaspillage sur terre pour réaliser notre « miracle économique » tout en agrandissant la disparité sociale partout dans le monde3.

La première révolution industrielle a été possible grâce à la houille et l’invention de la machine à vapeur. Les activités industrielles tournaient principalement autour du textile et la métallurgie. Il s’agissait de produire en masse les biens de premières nécessités pour une population peu fortunée. En effet l’exécution d’une tache dans la branche textile en 1770, avait besoin de 200 ouvriers, tandis que en 1812 la même tache avait besoin de seulement un ouvrier (natcap 1999 pp.25). Ce progrès permettait de baisser les prix des biens de manière importante. Cette première poussée industrielle était suivie par le développement d’un art artisans de qualité et des expositions universelles, qui mettaient en concurrence les pays en cours d’industrialisation. Ce grand bouleversement provoquait également la migration en masse des paysans vers les villes industrielles naissantes. Un nouveau type de misère urbaine se mélangeait avec la pollution des premières villes industrielles. La nature était en générale perçue comme un stock inépuisable et idéalisé. Le désire de lier la beauté naturelle à l’artefact naissant dominait jusqu’au tournant du siècle.

Face à la baisse dramatique de la consommation (Chessel, 1998 pp41) dans les plupart des pays industrialisés au début du XX siècle, les changements se basculent. En effet, des économistes de l’époque remarquaient que la plupart des travailleurs se contentaient de gagner juste assez pour satisfaire leurs besoins élémentaires et quelques plaisirs, après quoi ils préféraient voir augmenter leur temps de loisir plutôt que leurs heures de travail et leur salaire (Rifkin 1995 pp 41). Le concept de la vente jusqu’alors ignoré, devient alors le centre de la stratégie économique et industrielle. Jeremy Rifkin cite dans son livre la fin du travail des économistes américains de l’époque, tel que Charle Kettering de General Motors qui décrit le nouveau principe économique ainsi: « La clé de la prospérité économique c’est la création d’une insatisfaction organisée. » L’économiste John Keneth résume plus tard la nouvelle mission d’entreprise: « La mission de l’entreprise est de créer les besoins qu’elle cherche à satisfaire ». D’autres formulations de l’époque expliquent: « le luxe des puissants doit devenir indispensable aux classes pauvres » (Rifkin 1995 pp 43).

La simple réclame se transforme vers la « science » de la publicité – précurseur du concept Marketing – en appliquant des principes issus de la nouvelle discipline universitaire de la psychologie (Chessel, 1998 pp36-37). De plus en plus d’affiches inondent les villes et la campagne. Ces affiches servaient non seulement à promouvoir une marque ou un produit, mais aussi de support « éducatif » pour convaincre les consommateurs quant à l’utilité des nouveaux produits industriels (Chessel, 1998 pp72). Ce changement rapide et très progressif de l’espace publique, n’est pas passé sans critique et sans débat publique. Surtout les groupements conservateurs et la Bourgeoisie s’opposaient à cet affichage « sauvage », qui gâchait la beauté du paysage et des monuments. Issue de cette opposition surgit aussi l’idée de la protection du patrimoine, qui se manifeste en 1910 un peu partout en Suisse. Mais pour beaucoup des gens, ce nouveau langage publicitaire est vu comme une importante progression sociale. En effet des groupements anglais, inspirés par des concepts anarcho-communistes considéraient la publicité comme un moyen de démocratiser l’art moderne (Chessel, 1998 pp169). Ce changement s’est soldé par la crise économique en 1929. 60% des radios, des automobiles et des meubles vendus aux Etats-Unis vers 1929 étaient en cours de payement à crédit.

C’est à ce moment que la révolution industrielle a révélé les véritables contours de la société de consommation. L’évolution des technologies de production permettait de produire toujours plus, sur un duré plus courte et avec moins de main d’oeuvre. Le chômage augmentait, tandis que l’achat à crédit permettait de maintenir une consommation nécessaire à leur fonctionnement – la crise était programmé. A la suite de la crise économique, des nouvelles cadres et stratégie politique était mis en place pour relancer l’économie et pour éviter qu’une telle crise conjoncturel se reproduit.

Jacque Duboin, reconnaissait dans cette situation une crise structurelle et non pas un problème conjoncturel. Il appelait durant l’entre deux guerre à une réforme économique qui prévoyait « la grande relève du travail des hommes par la machine ». Il a posé ainsi la base intellectuelle de l'économie distributive, qui servait également comme référence dans l’idéologie des révoltes en 1968. Le principe est basé sur la reconnaissance, que chacun d'entre nous est co-héritier des fruits du travail des générations qui nous ont précédées. Dans ces ouvrages, il annonce que nous allons créer la pauvreté dans l’abondance, si nous ne évoluons pas d’une économie de rareté vers une économie d’abondance.

Le constat scientifique que l’humanité risque avec son développement de toucher ses limites vitales à l’intérieur de l’écosystème terre, est devenu une réalité scientifique seulement après les années 1960. Mais il a fallu encore des décennies jusqu’à que les résultats ont commencé à rentrer dans les débats politiques et sociales.

Le premier rapport scientifique commandé par le Club of Rom, qui était publié une année avant la première crise de pétrole en 1972, était vendu avec succès par 9 millions exemplaires en 13 différents langues. L’étude prenait en compte des facteurs comme la croissance démographique, capacité industrielle, production d’aliments et pollution de l’environnement. Les auteurs arrivait au constat, que si le développement se poursuit dans la même vitesse, nous arriverons au bout physique de la croissance à l’intérieur des prochaines 100 ans.

Nous avons fait une liste avec quelques faits historiques, qui illustre cet éveil de conscience.


1 Jacque Nerink dans son livre Le huitième jour de la création - Un mode d'emploi pour la technique, Presses polytechniques et universitaires romandes FOCUS SCIENCE ISBN 2-88074-633-7, Lausanne, 2005. Naomi Klein dans ses deux livres no logo et The Shock Doctrine (voir dans la Bibliographie du rapport SD-R&d).
2 L’entropie est dans la loi de la thermodynamique une grandeur qui désigne un processus irréversible de dégradation. Plus d’information sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Entropie | avril- 08
3 La disparité désigne ici l’affaiblissement de la couche moyens qui a comme conséquence l’agrandissement du gouffre entre riche et pauvre. Nous faisons partie des 20% de la population mondiale (société occidentale), qui consomme 80% des ressources mondiales. Source: ONU, 2003
4 Des nombreux entreprises exemplaires sont cités par les auteurs dans les livres référencés sous la note 12 et 14 du même chapitre.
5 Jacques Neirynck dans son livre Le huitième jour de la création - Un mode d'emploi pour la technique de Jacques Neirynck, (voir à la note xx5 du même chapitre)